La Commune de Paris de 1871 est
un événement singulier. Par certains aspects, elle se rattache
aux révolutions du XIXe siècle : 1830, 1848. Par d’autres,
au contraire, elle annonce les grandes révolutions victorieuses
du XXe siècle, qui d’ailleurs s’en réclament explicitement.
Marx, opposé tout d’abord à une révolte armée
des ouvriers de Paris, se rallia, après la journée du 18
mars, à la Commune. Dans La Guerre civile en France , il tira les
premières conclusions de ce mouvement insurrectionnel de type nouveau
: « C’était la première révolution dans laquelle
la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule
qui fût encore capable d’initiative sociale, même par la grande
masse de la classe moyenne de Paris, boutiquiers, commerçants, négociants
– les riches capitalistes étant seuls exceptés. [...] La
grande mesure sociale de la Commune, ce furent sa propre existence et son
action. Ses mesures particulières ne pouvaient qu’indiquer la tendance
d’un gouvernement du peuple par le peuple. »
Lénine, parlant des événements
de 1917 en Russie, rapprochait les soviets de l’organisation de la Commune
de Paris : la source du pouvoir n’est plus dans des lois préparées
par un Parlement, « mais dans l’initiative venant d’en bas »,
des masses populaires. La police et l’armée sont remplacées
par l’armement direct du peuple tout entier. Les fonctionnaires sont également
remplacés par le pouvoir du peuple, ou placés sous son contrôle
et révocables par lui. À la suite de Marx et de Lénine,
Mao Zedong et Fidel Castro se sont ralliés à ces analyses
de la Commune et en ont tiré les principes de leur action révolutionnaire.
Mais on appela souvent « gouvernement du peuple » la dictature
d’un parti. Et l’on vit une nouvelle bureaucratie, émanant d’un
parti et non du peuple, remplacer, au nom du centralisme démocratique,
l’ancien pouvoir bourgeois. Cependant, la Commune de Paris a apporté
au mouvement ouvrier, en même temps qu’une expérience historique
concrète, la valeur explosive du mythe.