Emile
Pouget est l’un des militants les plus représentatifs du mouvement
ouvrier français. Son influence fut primordiale, avec celle de Pelloutier,
à la fin du XIXeme siècle et au début du XXe.
Né
en 1860 à Salles-de-Source, dans l’Aveyron, il grandit dans un milieu
familial d’idées avancées ou il était question de
socialisme de phalanstères. En 1871, le procès des communards
de Narbonne eut un retentissement dans les villages de la région.
Après les débuts au lycée de Rodez, il doit gagner
sa vie et en 1875 vint à Paris, où il fut employé
dans un grand magasin ; il fréquentait les réunions publiques,
le milieu des disciples de Bakounine appelé le «
demi-quarteron », qui se réunissait chez le père Rousseau,et
qui contribua à la reconstitution des premiers groupements de travailleurs
et à la fondation en 1879 d’un syndicat des employés, le
sien. Il était de toutes les manifestations et, en 1883, à
l’occasion d’un meeting convoquant les sans-travail à l’esplanade
des Invalides, des boulangeries furent pillées sur le parcours et
il fut arrêté, place Maubert, en essayant de délivrer
Louise Michel.
Condamné en cour d’assises à huit ans de réclusion
(libéré par une amnistie au bout de trois), il rentra dans
la vie active comme représentant en librairie et reprit la propagande
révolutionnaire.
En
1889, il édite avec Constant Martin le Ca ira, où
il commençait à écrire dans la langue parlée,
cette langue comprise dans toute la France et qui plaisait aux travailleurs
; il continue par de nombreuses affiches, puis il entreprit le Père
peinard .
En 1894, Pouget fut
impliqué dans le procès des Trente ; il se réfugia
à Londres d’où il envoyait en France son Père peinard
jusqu’en 1895, car, à l’élection de Félix Faure à
la présidence de la République, il rentra en France, fut
jugé et acquitté.
Dès
son acquittement, il reprend la publication du Père peinard.
Toujours aussi poursuivi, aussi aimé, le Père peinard
pénétrait jusque dans les villages les plus reculés
où il éveillait l’activité sociale. Antiparlementaire,
antimilitariste, anticlérical, il s’attaquait non aux personnes
mais aux institutions et aux injustices, au capital surtout, mais aussi
à toutes les duperies, y compris celle des partis ouvriers à
l’égard du peuple, essentiellement le guesdisme
à l’époque.
Sa
propagande était très large : Pouget voulait réveiller
le peuple pour l’action sociale révolutionnaire et se solidarisait
dans ce sens avec toutes les formes d’activités sociales, individuelles
et collectives, conscientes ou non.
Anarchiste
de tempérament, il avait vu aussi dans l’action syndicale un moyen
d’inciter les classes populaires à la révolution et il s’y
consacra principalement à partir de 1894, sans doute à la
suite de nombreuses conversations avec Pelloutier.
La fin du XIXe siècle
est l’époque de l’essor du syndicalisme ; Pouget comme Pelloutier
consacrèrent désormais leur vie à grouper les travailleurs
en vue de l’action. Le Père Peinard préconise dès
1889 la grève générale et l’action directe ; il préconisa
aussi en 1894 l’entrée des anarchistes dans les syndicats. En 1895,
il utilise le terme de sabotage dans le père peinard . Il
en donne l’explication dans un rapport présenté au congrès
de Toulouse en 1897, le
boycottage et le sabotage, nouvelle forme de lutte, qui fut adopté.
Son espoir était
celui d’un quotidien pour toutes les tendances révolutionnaires
; il participa au Journal du Peuple de Sébastien Faure en pleine
affaire Dreyfus. Le congrès des syndicats de Toulouse, en 1900,
décide la création d’un organe de presse syndicaliste, la
voix du peuple, dont Pouget est le secrétaire de rédaction
à partir du 1er décembre 1900 en tant que secrétaire
adjoint de la C.G.T. Ses campagnes principales ont été la
lutte contre les bureaux de placement, la revendication du repos hebdomadaire,
de la journée de huit heures, la propagande antimilitariste.
Jusqu’en 1908 Pouget à dans la C.G.T. un rôle prépondérant. Il se distingue par sa lucidité, la largeur de ses vues. Il ne cesse d’insister sur le caractère de l’action et de l’organisation syndicale et écrit dans la voix du peuple : « L’amélioration arrachée aux privilèges est proportionnelle à la conscience des travailleurs, à leur degré de cohésion, à leur vigueur. ». Le syndicalisme révolutionnaire devait selon lui amplifier l’œuvre de la Première Internationale « par une ascension vers une volonté toujours plus consciente ».
Après
avoir collaboré à de nombreux journaux, il tenta un nouveau
quotidien avec Griffuelhes et Monatte, la Révolution,
qui dut cesser sa publication au bout de deux mois(Mars 1909). Déjà
avaient eu lieu, en 1908, l’affaire de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges,
puis le congrès de Marseille et, enfin, le 2 février 1909,
la démission de Griffuelhes du secrétariat de lac C.G.T.
Pouget, fatigue mais sans doute aussi à cause du tournant réformiste
de la C.G.T. cessa de militer et se remit au travail pour gagner sa vie,
jusqu'à sa mort en 1931.